Je suis chez moi
Le questionnement de son identité est universel. Chaque être humain recherche qui il est, ce qu’il représente dans le monde. Spiti Mou évoque les racines, celles qui construisent les histoires de chacun. Le cheminement de pensées amène l’homme à prendre conscience de lui-même. L’identité est « dynamique, dans le sens qu’elle peut bouger dans le temps ». Thomas Milanese, responsable artistique de la compagnie et comédien.
Le spectacle de la compagnie Mélocoton aborde la notion de territoire. L’histoire de cette pièce est celle de quelqu’un qui a migré, une personne qui change de pays qui vient de loin. La problématique se pose sur ce que signifie venir de « loin », à quelle distance, de quel pays ? Le territoire qui représente une personne peut être celui de naissance ou celui qui nous fait vivre. Le regard des habitants de ce territoire est crucial. Il faut apprendre à communiquer avec ces personnes. Sachant que les aprioris forcent le jugement, la migration se vit avec des complications. La personne se reconfigure par un mélange de culture et par l’accueil reçu.
De belles rencontres existent, des liens forts se nouent.
D’une forte amitié se construit la pièce. L’amitié se définit selon Thomas Milanese par la loyauté et la confiance. Il ajoute que la durabilité favorise les belles histoires d’amitié, le temps est propice aux partages. Une amitié précieuse se construit peu à peu. Les valeurs et les moments vécus fabriquent des liens solides. Les accointances sur certains sujets n’empêchent pas les désaccords. C’est l’équilibre qui soude l’amitié. Katerina Karagianni est l’amie de Thomas Milanese qui prête sa voix à la pièce. Elle migre de Grèce.
Thomas Milanese dépeint un besoin d’appropriation de son histoire. Pour lui comme pour Katerina Karagianni. La migration est un élément de leur vie respective. Son amie, elle, déménage après le bac. Elle arrive en France pour y faire ses études à 20 ans. En Grèce, l’accès aux études supérieures est plus complexe et moins ouvert. Elle est diplômée en psychologie, elle comme sa sœur jumelle qui retourne en Grèce. Katerina Karagianni fait le choix de rester car elle y découvre l’amour. Le choix, les grands-parents de Thomas Milanese ne l’ont pas eu. Petit-fils de parents polonais et italiens, il est un enfant de la seconde génération ; sa relation avec la migration est différente. La nécessité vitale est engagée, sa famille suit le flux migratoire et arrive dans une France qui a besoin de main d’œuvre.
Pour situer le contexte Thomas Milanese explique que son père vit à l’Italienne en France ; que cette façon de vivre est un moyen de s’approprier son histoire. Alors que sa famille maternelle s’est dispersée entre la France, la Pologne et les Etats-Unis. Thomas Milanese pour se réintégrer dans cette histoire familiale, la traite à travers ses œuvres théâtrales. Cette pièce est l’occasion pour Katerina de de re-interroger cette plaie différemment. Elle, son histoire reste inachevée, elle retourne aussi souvent qu’elle veut dans ce pays qui est toujours le sien. Elle vit comme en Grèce en France et transmet cette culture à ses enfants.
Leurs histoires sont semblables mais dans deux temporalités : celle d’hier et celle d’aujourd’hui.
L’accueil tient d’un véritable enrichissement. Le personnage de Spiti Mou vit dans sa maison qui démontre d’un univers étriqué. Il apprend à ouvrir sa demeure à l’autre. C’est par cet accueil qu’il s’enrichit, il reçoit grâce à ce partage. A travers des échanges, il trouve son chemin pour se réapproprier sa propre histoire. En grec Spiti Mou signifie « chez moi », « chez moi » est la structure qui nous abrite, la maison, le lieu de vie. Spiti Mou veut aussi dire « chez moi », l’intériorité d’une personne avec sa dimension affective et spirituelle.
C’est par l’ouverture à l’étranger que l’on peut se rencontrer soi-même.
PILLON Gwenaëlle